Peut-on parler de marketing du troisième genre?

Il n’est pas rare de trouver spontanément des corrélatifs envers différentes choses.

Il y a quelques jours par exemple, une amie et moi-même dissertions en comparant les sociétés d’insectes et la société humaine.

Il me semble en avoir trouvé un sur lequel m’appuyer afin essayer de faire passer un message, d’une part à ceux dont le jugement se limite à l’apparence, mais aussi à celles qui sont parfois l’objet justifié de ce jugement.

Il concerne la comparaison entre certaines communautés, en l’occurrence ici la communauté du troisième genre, et les produits de consommation…

Si, si! Vous allez comprendre…

Dans un premier temps, permettez-moi de vous citer ce que je considère être quelques points assez représentatifs d’une personne du troisième genre.

Commençons par les points positifs:

– d’un point de vue sentimental, il est fréquent qu’elles fassent preuve d’une grande sensibilité émotive. Peut-être la résultante des nombreuses sollicitations masculines combinées aux toutes aussi nombreuses brimades de la part de ces mêmes hommes, suivant les circonstances de la rencontre, mais nous y reviendrons.

– d’un point de vue sexuel, elles sont souvent des amantes hors pairs. Leur combinaison de féminité et de masculinité leur confère le pouvoir de doser efficacement sensualité et libido.

– d’un point de vue de l’attitude, leur féminité est en général bien plus exacerbée que dans le commun de la gent féminine « naturelle ». Elles soignent leur image à la fois par nécessité de mimétisme, mais leur modèle est la femme dans sa version idéalisée par l’esprit de l’homme.

Quelques points négatifs à présent:

– Psychologiquement parlant, elles sont souvent très seules, souffrant du rejet de la part d’une population à la fois ignorante de leurs motivations et avide de critique facile et de presse à scandales.

– Amoureusement parlant, elles pâtissent d’une réputation sulfureuse parfois infondée, en tout cas très largement exagérée, rendant innombrables les propositions de rencontre mais rares les compliments sincères et la reconnaissance  de leur véritable identité de femme. La référence à la prostitution de certaines transsexuelles et les résultats des moteurs de recherche, à 90% sexuels, en sont les vecteurs les plus fréquents.

– Socialement parlant, elles subissent encore l’absence de reconnaissance de leurs droits et la non-officialisation de leurs difficultés par la loi, et souvent la religion. La transphobie n’est pas vraiment reconnue à contrario de l’homophobie. Le parcours d’une transsexuelle en termes d’assistance médicale, de soutien socioprofessionnel et de changement d’identité est plus éprouvant que celui du combattant.

Les dualités ne résident donc pas que dans l’apparence.

Nos forces sont aussi nos faiblesses.

Et si chaque individu, peu importe son sexe ou ses choix de vie, possède son existence propre avec le chapelet de qualités et de défauts auxquels on s’attend chez n’importe qui, il est bien rare que l’on accorde aux gens du troisième genre l’occasion ou le temps d’en fournir la preuve.

Le phénomène de communauté enferme les gens dans un carcan étiqueté à l’avance, un peu à la manière dont on emballe les produits.

Voici donc là où je voulais en venir !

La composition mentionnée sur l’étiquette ne fait ici plus cas de la provenance, de la traçabilité et des conditions d’élevage du produit… rires… (un peu jaunes certes mais rires quand même…)

L’homme est pourtant un consommateur né. Et les médias ne sont plus avares de citations en matière de troisième sexe… Je citais auparavant l’Internet, mais les reportages sur elles dans la presse papier, la télévision ou la radio se font de plus en plus nombreux.

L’idée en soi n’est pas négative du tout. Lorsque l’on sait que plus de la moitié des gens qui nous décrient le font par ignorance et manque d’information, on se dit que toute source de connaissance devrait amener la reconnaissance. Mais tout comme une formule scientifique peut aider l’humanité si la recherche va dans ce sens, elle peut aussi la détruire mise entre de mauvaises mains.

Le pouvoir de la presse, on le sait, est immense.

Si le JT ne vous montre que des jeunes de banlieue en version « racaille », la plupart des gens n’iront pas chercher plus loin et penseront qu’un jeune issu de la banlieue en est forcément un.

Au même titre, imaginons un reportage qui vous montre un transidentitaire en grande détresse sociale, sujet à l’opprobre public ou à contrario, comme je l’ai parfois vu, « épanouie » dans une idyllique relation d’acceptation de par sa femme et sa famille. Médisants, les gens penseront que ces personnes sont soit des tordus qui l’ont bien voulu, « parce qu’il faut être dingue pour se comporter de la sorte quand on pourrait être un « bonhomme comme les autres » », soit ce sont des farfelus qui ont bien de la chance d’être tombés sur des gens compréhensifs…

Alors, au final, que nous montre la presse « honnête », soit -disant soucieuse d’informer, ainsi que son corollaire, le média web quant à lui beaucoup moins soucieux des apparences et à la démarche essentiellement commerciale?

Des transsexuelles prostituées en étalage au bois, des transsexuelles en difficulté d’intégration, des transsexuelles en couple avec une femme, représentant somme toute un assez faible pourcentage du lot, des transsexuelles actrices X, des annonces transgenres bourrées de clichés version « nymphomane patentée »…

Est-ce vraiment l’image idéale que l’on veut présenter pour faire avancer l’intégration?

Même si tout ceci représente une partie de la réalité, où se situe le concept de l’individu, qui boit, qui mange, qui pleure, qui rit, qui aime, qui pense? Lorsque l’on interroge la moyenne des gens, un transidentitaire est considéré comme une curiosité amusante ou une âme en peine pour les plus gentils, un détraqué ou un sociopathe pervers pour les plus méchants.

Dans une grande généralité cependant, les hommes s’accordent à penser, indépendamment des questions sociales, que beaucoup de représentantes du troisième genre sont souvent quand même « sacrément sexy »…

Il faut donc croire que « Google » remporte plus de suffrages que « Zone Interdite »…

Revenons-en alors à notre notion de marketing produit.

Le « consommateur » de travestis ou de  transsexuelles, blotti bien au chaud derrière son écran et loin de tout risque de se faire huer pour cet acte, va bien sûr se fier à l’apparence pour faire son choix dans les immenses rayons de l’hypermarché du web.

Selon ses goûts, il va sélectionner la couleur et la taille et puis bien sûr… étudier le packaging!

Vos haricots vous les préférez noirs, rouges, blancs, jaunes?

Épais, fins, extra-fins?

Avec ou sans la queue?

Frais ou saumurés?

Emballage en tissu ou en cuir? …

Et le goût alors?

Ben on s’en fiche…

Des haricots c’est des haricots…

C’est juste pour accompagner…

Le principal c’est de manger copieusement, pas cher et donc de SE faire plaisir…

Un peu hard oui je sais mais bon… l’inspiration du moment hein… on va dire çà.

Ce qui est par contre fort dommage au demeurant, c’est que ce soit souvent le produit lui-même qui monte la surenchère et contribue à bien faire stagner les aprioris.

Un individu du troisième genre ne sera jamais proposé au rayon « bio »,  mais il suffirait d’un peu plus de simplicité et de moins d’ostentation pour que l’ostracisme qui les frappe diminue et finisse par les intégrer dans l’ensemble.

Je suis en effet sidérée de ne trouver sur les images de profils de sites de rencontre ou de réseaux sociaux, de chat ou de messageries diverses qu’une écrasante majorité de fesses en string (quand ce n’est pas à l’air, oh misère), de jambes en Dim-Up tronçonnées, voire d’actes sexuels en gros plan.

N’est ce pas contribuer à ce que l’étalage déjà bien osé qui tapisse le net prenne une tournure systématique?

Mon avis est que cela porte préjudice à l’image globale du troisième genre, ainsi qu’à celles d’entre nous dont la motivation première n’est pas de proposer leur marchandise à l’étal, mais bel et bien d’exister tout simplement, comme n’importe quel citoyen.

L’on peut être jolie ou simplement naturelle en étant soi-même, sans avoir à afficher ses fesses dès la première image.

Pour celles d’entre elles qui tiennent tant à être féminines, que l’on me cite le nombre de profils de femmes naturelles qui font de même…

Pardon?  Je n’ai pas bien entendu? Ah oui c’est çà… aucune… Étrange non?

Qu’elles ne s’étonnent pas après si les hommes commencent leurs dialogues par des « humm! T’es une bonne s…..! »

Qu’elles ne s’étonnent pas non plus si les hommes qui les contactent sont en majorité des machos, des pervers ou des individus sans éducation.

Le respect commence par soi-même.

Je n’ai aucune morale à faire ou de conseils à donner, mais une chose est sûre : il n’y a pas de fumée sans feu.

Qu’elles ne croient pas qu’en exhibant leurs intimités on les considèrera autrement que comme des objets de plaisir.

Hormis bien sûr si c’est leur business dont elles font la promotion, il serait bien de tenter une autre approche marketing.

Un bon produit n’a pas besoin de tant de décorum pour faire des adeptes…

Si les aficionados du fast-food ne trouvent plus de Mc Do, ils seront bien forcés de retrouver le goût des vrais aliments et réduiront la consommation pour privilégier la qualité à la quantité.

Concernant les gens du troisième genre, leurs amateurs changeront leur attitude négligée au profit d’un comportement de circonstance, et montreront un respect mérité à la personne qu’ils convoitent.

Et peut être enfin, au bout du compte, pourront-ils enfin les considérer comme des femmes et aller parfois au-delà de l’apparence, seul moyen de faire naître des sentiments réels…

(écrit le 21 juin 2011)

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